Armada Music est l’un des labels incontournables de la musique électronique. Née en Hollande il y a 20 ans, le label s’est construit lentement mais doucement, toujours avec passion.
Armada Music a été fondé aux Pays-Bas en 2003 par la superstar Armin van Buuren, son fidèle associé et PDG d’Armada Maykel Piron et David Lewis, également co-fondateur de Alda Events qui produit notamment les shows de l’AMF, d’Armin Van Buuren et de Hardwell.
Mais tout n’a pas été si facile pour Armada. Armin Van Buuren ne serait peut-être pas devenu “Armin” sans l’énergie et la passion qu’il a mis dans son label Armada Music. Nous avons profité de l’Amsterdam Dance Event pour en savoir plus sur cette formidable success-story, bâtie avec méthode, mais surtout avec passion.
L’idée derrière la création d’Armada Music était de fournir une plateforme pour promouvoir la musique électronique, en particulier la musique Trance, et de soutenir les artistes de ce genre. Au fil des années, Armada Music est devenu l’un des labels les plus influents et prospères de l’industrie de la musique électronique. Le label a signé de nombreux artistes renommés et a publié une grande variété de morceaux à succès, allant de la Trance à la House, à la techno et à d’autres sous-genres de la musique électronique. Armada Music est reconnu pour son engagement envers le développement des artistes, la promotion de la musique électronique et l’innovation dans l’industrie musicale.
Les débuts d’Armada
Quand Armin a démarré son célebrissime radioshow “A State Of Trance” en direct dans le studio d’une radio d’Amsterdam, de nombreux producteurs venaient assister à l’émission avec des CDR à la main. L’objectif de tous ces producteurs était de se faire diffuser dans cette émission qui grandissait semaine après semaine. Armin se rappelle “Tous ces gars étaient assis derrière moi pendant l’émission, avec leurs CDR et me demandaient de les jouer. Alors, j’avais toute cette super musique, j’ai dit à Michael “J’ai ce gros tas de CDR avec de la super musique, je veux juste la sortir, peu importe si ça se vend”. C’était le début d’Armada.
Fondé en 2003, Armada Music a vu le jour à une période pendant laquelle les labels s’intéressaient peu au droit d’auteur et à la propriété intellectuelle. Bien entouré, Armin Van Buuren est reconnaissant envers son équipe qui a créé les fondations de son entreprise sur ces bases : “Créer un label n’est pas facile, et nous l’avons créé en plein milieu d’une époque où personne ne s’intéressait plus au droit d’auteur et à la propriété intellectuelle. Vous devez comprendre que nous avons lancé notre entreprise à contre-courant, car à l’époque, tout le monde téléchargeait sa musique depuis le Kazakhstan, et personne ne se souciait de la propriété intellectuelle. L’esprit brillant de Maykel Piron a prouvé le contraire. Aujourd’hui, la propriété intellectuelle est devenue la nouvelle tendance, c’est vraiment impressionnant à voir.”
Grandir passe par les Etats-Unis
L’une des étapes importantes de la vie d’Armada était sans aucun doute la création de bureaux aux Etats-Unis. New-York est une ville ou tous les artistes restent souvent un jour de plus pour leur business lors de leur passage. “Vous pouvez faire beaucoup de relations publiques avec vos artistes. Vous pouvez aller voir Spotify, même Apple a rouvert ses portes à New York. Donc, il y a beaucoup d’opportunités pour nous à New York. Je suis vraiment heureux que nous ayons pris cette décision” a déclaré Maykel Piron.
Ultra Music était la seule société qui signait des licences et distribuait des titres dans l’industrie de la musique électronique, il y avait donc une place à se faire pour Aramda. Depuis 2010, Maykel Piron se rend donc une semaine par mois à New York pour comprendre le marché, organise des déjeuners et des diners tous les jours pour absorber toutes les informations possibles. Armada a grandit lentement, mais surement. “Le défi consistait à développer Armada de manière organique. Si vous allez trop vite, surtout aux Etats-Unis, vous risquez de vous bruler les ailes” continue Maykel Piron. Le premier titre signé par Armada à New-York était un jeune suédois nommé Tim Berg (devenu par la suite Avicii) avec “Bromance”, et c’est devenu le succès.
Il y a 7 ans, Armada Music a adopté le même schéma à Londres, avec l’aide précieuse de Nadine van Bodegraven qui a rejoint l’équipe Armada, et qui est également la COO de Beat Music Fund.
Quels transformations de l’industrie ont impacté Armada ?
Comme n’importe quelle entreprise, Armada Music a du se réinventer pour resister aux différentes transformations de l’industrie musicale. Evidemment, Spotify a été le détonateur.
L’expertise de Nadine Van Bodegraven a été déterminante. “Nous sommes toujours à l’avant-garde du développement technologique. Nous avons commencé principalement en tant que label numérique à une époque où les supports physiques étaient encore la norme, nous avons essayé de rester à la pointe. Être les premiers à essayer, à tester ce qui fonctionne pour nous ou ce qui ne fonctionne pas, est toujours un défi. Je pense qu’en établissant un excellent réseau, de grands artistes, de grands partenaires, et peut-être des territoires où vous n’êtes pas, c’est l’une des choses principales si vous voulez développer votre entreprise en tant que label de musique électronique. Et nous avons de la chance car la musique électronique est mondiale. Vous n’avez pas besoin d’une langue locale, la musique électronique est universelle.”
Quoi ? Spotify ? Mon téléphone n’est même pas assez rapide pour envoyer un message texte – Armin Van Buuren
Toujours à l’affut, Maykel Piron avait prévenu Armin de la création d’un nouveau service, qui depuis à changé nos vies. “Maykel m’a appelé un jour et m’a dit, “Il y a cette nouvelle chose appelée Spotify.” Je m’en souviens très bien, je lui avais dit “Quoi ? Spotify ? C’est quoi ?” Il a dit, “Oui, à l’avenir, les gens écouteront de la musique en streaming depuis leur téléphone.” J’avais répondu, “Mon téléphone n’est même pas assez rapide pour envoyer un message texte”
A l’époque, les informations se propageaient moins vite et il n’y avait aucun article de presse sur Spotify. “A l’époque où nous avons commencé Armada, on pressait et on vendait des CD et des vinyles. Que quelqu’un écoutait notre CD une fois ou cent fois n’était pas important. Maintenant, à chaque fois que quelqu’un écoute de la musique, vous êtes payé. Certes, pas beaucoup, mais si votre musique est écoutée, vous êtes payé. C’est une révolution, car tout à coup, on gagne de l’argent qui n’existerait pas autrement” explique Armin. “Je pense que lorsque nous avons commencé Armada, 60 % de notre chiffre d’affaires provenaient des ventes de vinyles. 60% ! Nous vivions de ça. Maintenant, c’est l’inverse. Le numérique représente environ 80 % de notre chiffre d’affaires.”.
Armada, pionnier sur la radio
“Je ne serais pas assis ici si je n’avais pas créé A State of Trance, et la suite, vous la connaissez. J’ai lancé cette émission de radio en 2001. Beaucoup de mes collègues ont dit que j’étais fou de faire une émission de radio de deux heures sur de la musique Trance. Et ces mêmes gars ont maintenant leurs propres émissions de radio”. Armin Van Buuren est un vrai passionné de radio et croit en ce média. “Pensez que la manière de consommer les médias a changé. Les gens ne regardent plus la télévision linéaire, nous sommes à l’ère du streaming. Mais la radio est encore relativement le même format. Oui, vous pouvez maintenant écouter la radio via Internet, mais le pouvoir de la radio est toujours là. Si j’ai quelque chose à partager, des infos sur une nouvelle sortie sur Armada, ou un de mes morceaux, ou un morceau qui a très bien marché dans mes sets, je la partage avec mes fans à la radio.”
Au début de l’aventure “A State Of Trance”, les gens gravaient illégalement des DVD avec les MP3 de l’émission, puis les vendaient sur eBay. Maykel Piron a senti la demande, puis a rapidement sauté sur l’occasion en accordant des droits de diffusion sur l’émission.
Aujourd’hui, les gens peuvent écouter A State of Trance quand ils le souhaitent, et ou ils le souhaitent: Youtube, portail de streaming préféré…. et ça marche ! “Les gens veulent avoir accès. Je pense que c’est une révolution, car nous savons maintenant que les gens ne veulent pas posséder la musique, ils veulent simplement avoir accès à la musique.” dit Armin. “Hey, le nouvel album des Rolling Stones est sorti aujourd’hui. Je veux l’écouter maintenant, mais je ne veux pas aller dans un magasin et faire la queue. Alors oui, si je suis un super fan, je le ferai. Mais je veux surtout écouter le nouvel album des Rolling Stones, vous voyez ce que je veux dire ? Donc, c’est la beauté du numérique, et c’est aussi la beauté de la radio. Alors ça m’a beaucoup aidé dans ma carrière, mais aussi le label dans le même temps”.
La création du Beat Music Fund
Armin, accompagné de ses fidèles Maykel Piron et Nadine Van Bodegraven a créé le Beat Music Fund en Avril 2023. Cette société est dédiée à l’achat de droits musicaux et de catalogues complets. Elle est née par réaction à l’approche des artistes Armada par d’autres sociétés qui leur offraient un pont d’or pour acquerir leurs droits. “Nos artistes ont été approchés par des parties de capital-investissement, qui tentaient en quelque sorte d’acheter leurs droits. Nous avons l’habitude de travailler avec des concurrents qui sont des grands labels ou d’autres labels indépendants, mais soudainement, il y a toutes sortes de parties sur le marché que nous ne connaissons pas qui offrent une somme d’argent assez importante à nos artistes pour acquérir leurs droits. Alors nous nous sommes dit que nous avions besoin d’une structure pour concurrencer ceci.” explique Nadine Van Brodegraven. “Pour nos artistes, c’est une proposition unique parce que nous pouvons leur offrir un certain confort financier que beaucoup d’entre eux recherchent. Lorsque vous vendez votre art, vous cherchez probablement un certain confort financier. Mais surtout, ils savent aussi qu’au sein de la famille Armada, nous savons prendre soin de leur musique. Ils sont heureux qu’il y ait sur le marché une entité comme Armada qui sait ce qu’elle fait. Le niveau d’intérêt que nous avons reçu est beaucoup plus élevé que ce que nous avions initialement pensé. Nous sommes super fiers” poursuit-elle.
Si vous avez suivi l’actualité de l’industrie de la musique au cours de l’année dernière, vous avez surement vu de plus en plus d’articles paraitre sur des acquisitions de catalogues. Beat Music Fund a acheté le catalogue deu mythique label New-Yorkais King Street. Maykel Piron explique “J’ai toujours été un grand fan de King Street. Nous sommes basés à New York, et j’ai commencé à parler au fondateur. J’ai senti qu’il voulait vendre, mais… Puis, il a découvert que j’aimais énormément de titres de son catalogue, et nous avons faits des dîners, des déjeuners où nous parlions de musique, mais pas de chiffres. Nous avons parlé de chiffres plus tard”.
Maykel Piron propose donc d’acheter le catalogue King Street de 4 000 titres, et de redonner une seconde vie à toutes ces oeuvres et les rééditer en digital. “Un dimanche matin, je préfère écouter de la musique plutôt que de lire le journal. Donc je descends dans mon bureau et je commence à écouter les 300 premiers morceaux sur un catalogue qui en compte 4 000. Puis, je tombe sur des joyaux cachés qui me rendent super, super heureux, c’est Noël pour moi. Puis, je me suis dit, d’accord, tout cela c’était avant le streaming. Maintenant nous sommes en streaming, nous devons rééditer ces morceaux. Donc c’est aussi bon pour les producteurs et les artistes qui ont cédé les droits à un label comme King Street, qu’ils sachent qu’après 10 ans, 20 ans, tout à coup un PDG bizarre a décidé un dimanche matin de continuer a faire vivre ce catalogue”.
La passion, la boussole d’Armada
Armin et Maykel ont un lien fort avec la musique. Beaucoup des droits achetés par Armada sont des morceaux que les deux compères avaient achetés lorsqu’ils étaient enfant, en vinyle. Armin pense que cela fait la différence entre une société qui veut simplement acheter des droits pour faire de l’argent, et une autre qui veut les acheter en sautant dans le bureau parce qu’ils sont excités par le challenge.
Armin explique qu’il ont acquis les droits de Joe Smooth pour “Promised Land” de cette manière: “C’est un morceau sur lequel Maykel et moi avons un lien, en particulier Maykel, et je pense que cela fait toute la différence parce que si vous avez un lien avec la musique, si vous l’avez jouée ou entendue sur le dancefloor, si vous étiez là quand elle est sortie pour la première fois, alors vous êtes aussi prêt à réinvestir dans le morceau. C’est ce que nous utilisons comme modèle. Beaucoup des morceaux pour lesquels nous avons acquis les droits, nous pouvons les remixer ou utiliser des samples. Nous allons garder ce master en vie, et je pense qu’en tant qu’artiste moi-même, je serais tellement heureux si, quand je ne serai plus là sur cette planète, d’autres personnes continueraient avec ma musique. Vous savez, ce serait mon rêve, j’ai créé quelque chose, et si quelqu’un d’autre veut en faire quelque chose d’autre”.
Pour Maykel, bien que PDG d’une entreprise prospère, les chiffres ne sont pas plus un argument décisif que la passion qu’il met dans ses différentes signatures. Maykel accorde une importance capitale à ce qu’il ressent lorsqu’il signe un titre, de la connexion qu’il peut avoir avec les artistes, et des émotions qui surgissent lorsque qu’il parle de musique.
Armin est totalement en phase avec son associé et fait une place toute particulière aux émotions ressenties. “Vous devez comprendre que chaque morceau que nous signons chez Armada Music représente une part de l’âme de quelqu’un. Ce n’est pas simplement une question de s’asseoir derrière un séquenceur et de créer quelques rythmes. Le travail d’une vie de quelqu’un est dans ce morceau. Vous devez le comprendre. Lorsque j’écoutes les démos, par exemple, avant d’ouvrir le dossier Dropbox et de cliquer sur un lien, je sais que c’est le travail d’une vie de quelqu’un. Cette personne rêve de devenir la prochaine star sur scène quelque part, de vendre des centaines de copies et de bien se classer dans les classements de streaming. C’est quelque chose que vous devez prendre en compte. Même lorsque nous concluons un accord, ce n’est pas simplement une question de signer un contrat et de beaucoup d’argent. Oui, bien sûr, nous gérons une entreprise. Mais d’un autre côté, il y a des personnes passionnées ici qui ont une connexion avec la musique. Je pense qu’il est très important de souligner cela.”
Comment ne pas se tromper lors d’une signature ?
La question revient à chaque titre signé: comment être certain de ne pas s’être trompé ? Est-ce que ce titre à un potentiel ? Est-ce que cet artiste est intéressant ? Armin se confesse: “Il n’y a pas de recette comme le Coca-Cola. En tant que DJ, je recherche quelque chose que je peux jouer dans mes sets. Parfois, si ça sonne un peu trop vieux, genre 2015/2016, je le dis à mon A&R en lui disant que ce n’est pas pour moi. C’est évidemment mon avis personnel, et croyez-moi, parfois j’ai complètement tort. Je suis sûr que quelques tubes nous ont été envoyés, et nous les avons refusé. Mais nous sommes humains”.
Je me fie à mon un instinct, je fais de la musique électronique professionnellement depuis 25 ans maintenant, et si j’entends quelque chose de vraiment bon, je le sais tout de suite – Armin Van Buuren
Maykel Piron précise que chez Armada, ils ne signent que les titres qu’ils aiment, en suivant les tendances évidemment. Les signatures se font vraiment à l’instinct, même s’il ne s’agit pas de Trance, et si un titre est aimé, Armada s’engage vraiment aux côtés de l’artiste.
Armin et Maykel aiment travailler un processus de construction et considèrent qu’il s’agit de partie la plus intéressante de leur travail. A la recherche d’opportunités, les 2 compères savent détecter un talent puis le construire.
Ils sont aussi conscients des limites du travail sur le marché underground et qu’ils ne doivent pas attendre des millions de streams à chaque fois sur ce marché. Maykel dit “Si nous prenons l’exemple d’Avira, nous avons commencé à travailler avec lui juste avant la COVID, et nous savions que sa musique n’allait pas générer instantanément 10 millions de streams. Maintenant, après toutes ces années, chaque morceau atteint environ un million de streams. Et nous espérons pouvoir le porter à 2 millions de streams, 3 millions de streams ou plus. Construire un artiste et avoir un contrat à long terme est pour moi le plus excitant, car alors vous devenez de véritables partenaires”.
Aujourd’hui Armada Music est une incroyable machine à cash dans l’industrie de la musique électronique. La liste des labels distribués est énorme. Outre les sous-divisions Armada telles que Armada Deep, Subjekt, Zouk ou Captivating, ou les labels d’Armin (Armind, Who’s Afraid of 138 ?), Armada distribue également un nombre conséquent de labels d’artistes internationaux tels que Smash The House de Dimitri Vegas & Like Mike, Garuda de Gareth Emery, Skink de Showtek, Wall Recordings d’Afrojack…
Armada est certainement l’un des exemples de réussite dans l’industrie, preuve que le business peut faire bon ménage avec la passion.